La vie tribale…un indispensable pour la mère allaitante et son bébé. Oui, pour toutes les mères et tous les bébés !
Mon cri du cœur de la rentrée scolaire sur les réseaux sociaux a visiblement résonné chez beaucoup d’entre vous. Plus de 60 partages de mon message et plus de 300 réactions en moins de 24h.
« Je fais partie des mères qui ne verseront pas de larme pour la rentrée scolaire et qui pousseront un ouf de soulagement ».
Je ne m’attendais vraiment pas à cela.
Mais alors, comment la lady sapiens a-t-elle survécu en allaitant ses enfants au moins 4 ans ? Comment est-il possible pour les mères humaines de faire face à cette « pompe énergétique » qu’exige le développement de leur bébé, enfant et adolescent pendant autant de temps ?
Pourquoi, en 2022, beaucoup de mères ressentent-elles un tel soulagement de voir rentrer leurs enfants à l’école après 2 ou 3 mois de « vacances » d’été ? Sommes-nous devenues faibles à ce point ?
Pourquoi les besoins du bébé semblent-ils si exigeants ?
Le coût énergétique de la croissance du cerveau d’un bébé humain est juste énorme. Il est même 5 à 6 fois plus important que celui d’un mammifère qui a la même masse corporelle que l’être humain.
A la naissance, le cerveau du bébé est 4x plus petit que celui d’un adulte. Mais son poids va tripler dans les deux premières années de vie jusqu’à atteindre 80% de sa taille finale à 2 ans.
Le lait maternel indispensable à la croissance du cerveau humain
C’est pour cela que le lait maternel contient beaucoup de lactose et de graisse. Les deux sont nécessaires pour faire face au développement cérébral jusqu’à sa maturation. C’est pour cette raison que le lait restera l’aliment principal jusqu’à environ 2 ans. En effet, il facilite une croissance rapide du cerveau. Son volume va continuer à grandir jusqu’à l’âge de 5 ans alors que la croissance du reste du corps est plus lente. Il faut attendre l’adolescence pour qu’elle s’accélère jusqu’à l’âge adulte.
Attirer l’attention des adultes pour assurer sa survie
Et en même temps, le bébé naît avec une capacité motrice limitée, voir même très réduite. Pour faire face à ses besoins, il vient au monde avec des sens en éveil et très aiguisés ainsi que des récepteurs extrêmement performants. Ses réflexes dit archaïques (involontaires) lui permettent, par exemples, de rechercher et d’attraper le sein. Depuis des millions d’années, c’est inscrit dans ses gènes. Dès la naissance, il sait comment attirer et conserver l’attention des adultes afin d’assurer sa survie et d’attraper le sein.
Mais comment les mères allaitantes ont-elles survécu jusqu’ici ?
Pourquoi voit-on aujourd’hui autant de mères qui “s’écroulent” ? La réponse tient à deux paramètres : la vie tribale avec les allo-parents et des naissances beaucoup plus espacées.
L’espèce humaine s’occupe plus longtemps de ses petits que les autres espèces. C’est d’ailleurs cette capacité qui a permis à l’homo sapiens de devenir l’être humain empathique qu’il est aujoud’hui …enfin pour ce qu’il en reste. Mais comment a t-il tenu le coup ?
La vie en tribu : le multigénérationnel et l’attention de tous
Les parents avaient le soutien inébranlable, 24 h sur 24, de la tribu au sein de laquelle ils vivaient. Toute la tribu s’occupait des enfants. Il y avait une sorte de coopérative de maternage selon Sarah Blaffer Hrdy, impliquant l’ensemble du groupe : grands-parents, oncles, tantes, les grands enfants… !
Les jeunes enfants étaient portés 20 à 60% du temps en journée. Tandis que les enfants plus âgés secondaient les mères en s’occupant énormément des plus petits. Certainement l’un des rôles les plus importants pour la survie du groupe. Les grands-mères et tantes gardaient la capacité d’allaiter les bébés et les enfants qui en avaient besoin. Il y avait en moyenne 6 adultes pour un enfant. Aujourd’hui dans les milieux d’accueil, c’est l’inverse. Quand tout va bien, on compte au maximum et dans les cas les plus optimistes, un adulte pour 6 enfants.
Décharger les mères allaitantes pour les rendre plus disponibles
En journée, les bébés passaient plus de temps dans les bras de la troisième génération que dans ceux de leurs parents. Cela rendait notamment la mère beaucoup disponible pour le cododo et l’allaitement la nuit.
Vous l’avez compris la ménopause des grands-mères est en fait indispensable à la survie de l’espèce humaine. Les grands parents sont indispensables et il est urgent d’arrêter de parler de les mettre à la retraite. Le mot allo-parent arrive petit à petit dans notre vocabulaire occidental. Il regroupe toutes les personnes proches : adultes, grands enfants, voisins, amis … qui peuvent être amenés à s’occuper du bébé et à soutenir la mère avec ses autres enfants et la vie de la maison.
Chez les peuples vivant dans des conditions prénéolithiques, l’espérance de vie avant 5 ans double lorsqu’une grand-mère maternelle est impliquée.
Révolution néolithique : les conséquences sur le destin des mères et de leurs enfants
La révolution néolithique a commencé il y a environ 10 000 ans. C’est le passage du paléolithique au néolithique qui a changé le destin des familles. En effet, l’homme a découvert l’agriculture, la domestication et l’élevage des animaux. Il se sédentarise et se regroupe dans des tribus qui s’élargissent rapidement. La nourriture est plus abondante, pourtant la culture des champs et l’élevage demandent un travail plus important. Les femmes prennent part à ce travail au détriment du maternage de leurs enfants.
Augmentation de la fécondité et de la mortalité infantile
Cette sédentarisation, l’abondance de nourriture, la diminution de l’allaitement et du maternage ont entraîné une augmentation de la fécondité. En effet, lorsque la fréquence des tétées et le temps d’allaitement diminuent, la fécondité s’accroit. Les naissances deviennent donc de plus en plus rapprochées.
Le nombre d’enfants par famille augmente alors que les mères ont de moins en moins de temps pour materner et allaiter. Parallèlement, la mortalité enfantine devient plus élevée, pourtant la balance reste positive et la population s’accroit. Mais à quel prix pour les mères et leurs enfants ? La fin de la vie tribale collaborative, de l’entraide et de l’empathie humaine.
Et bien sûr, l’homme est gourmand. Il veut toujours plus de terres pour ses cultures et ses élevages. Les villages deviennent de plus en plus en gros, les guerres de plus en plus fréquentes. Quand les guerriers sont au front, la charge mentale des femmes augmente encore un peu plus.
Aujourd’hui, être maman allaitante est un réel défi
Être maman est devenu presque impossible. « Je ne sais pas comment je ne suis pas déjà à l’asile » m’écrivait récemment une amie. « Moi aussi » lui ai-je répondu. Ce sont les soins prolongés aux petits qui permettent cette empathie et cet amour humain. Or, ils sont de plus en plus précaires aujourd’hui, voire même en danger réel. Cela menace, selon moi, la survie de l’espèce humaine. L’homo sapiens l’avait très bien compris : prendre soin des femmes et de leurs enfants est nécessaire à la survie de la tribu.
Les grands parents d’aujourd’hui.
Pour les grands-parents qui me lisent, ce paragraphe ne représente à aucun moment un reproche ou une manière de culpabiliser qui que ce soit. Le rôle des grands-parents est devenu lui aussi beaucoup plus compliqué qu’avant.
Une jeune grand-mère m’écrit « J’ai consulté plusieurs médecins et tous me disent être en burnout alors que je n’ai plus d’enfant à la maison. Je fais tout pour soutenir mes enfants avec leurs enfants (8 petits-enfants en dessous de 8 ans) et j’ai 3 parents vieillissants ».
Malheureusement, les grands-parents sont eux aussi malmenés par la surcharge de travail. La tribu est éclatée et vit à des distances parfois très grandes. Ils doivent travailler jusqu’à l’âge de 65 ans. Et une fois retraités, fatigués eux aussi de cette vie intense, ils aimeraient enfin, pour beaucoup, « profiter de la vie, faire ce qu’ils veulent ». Car eux aussi en ont « bavé » avec leurs enfants. Ce n’est pas qu’une histoire de grands-parents. Les voisins de maison ou d’immeubles ne se connaissent pas. Ils sont tout aussi débordés les uns que les autres. Les grands-parents sont perçus comme inutiles pour la société et mis au banc de la société.
Allo-parents : un rôle précieux pour la société
Cet été, je discutais avec une amie, sans enfant qui avait pris ses deux neveux 3 jours en camping avec sa compagne. Je leur ai dit à quel point leur rôle était important auprès des parents et de leurs enfants, qu’elles avaient aussi ce rôle d’allo-parents, de « tatas-gâteaux » vis-àvis de leur neveux et nièces. Femmes et hommes célibataires ou en couple sans enfants… vous êtes aussi ces allo-parents tellement précieux pour notre société, pour nos enfants.
Est-il physiologique d’avoir des enfants d’âge rapproché ?
Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis une maman de 4 enfants d’âges très rapprochés. Ils ont aujourd’hui entre 3 et 9 ans. Je pensais qu’il serait beaucoup plus facile d’avoir des enfants proches en âge et d’en avoir fini au plus vite avec les couches culottes. Après de longues réflexions, de galères, de lectures anthropologiques et donc un vécu à l’antipode de mes croyances, je me suis posée la question de l’espace idéal entre deux naissances. Est-ce devenu à ce point si énergivore d’allaiter et d’élever des enfants ? Le maternage-est-il devenu à ce point insurmontable ?
Lady sapiens allaitait jusqu’à 4 ans au moins
Au fil de mes lectures et recherches, j’ai découvert que l’âge du sevrage naturel devrait se situer entre 3 et 7 ans. La lady sapiens allaitait ses bébés au moins 4 ans. Cela lui permettait d’espacer les naissances de 3 à 4 ans grâce à la contraception naturelle offerte par l’allaitement (quand sa physiologie est respectée.) Elle était aidée la journée donc elle pouvait dormir avec ses enfants et les allaiter en favorisant ainsi sa contraception.
Les grossesses rapprochées sont-elles naturelles ?
La grossesse et l’allaitement sont coûteux en calories pour la maman mais aussi en vitamines, en minéraux et en énergie. Les naissances rapprochées ne sont donc très probablement pas naturelles. Elles sont, comme vous l’aurez compris précédemment, une des conséquences de nos modes de vie : sur les plans alimentaire, environnemental, la sédentarité, le non-allaitement/allaitement écourté, l’instruction postscolaire.
Aujourd’hui, les femmes étudient plus longtemps et priorisent leur carrière professionnelle. Encore une fois, n’y voyez aucun reproche. J’ai eu moi-même mon premier enfant après 7 ans d’étude de médecine et 2 ans d’assistanat. Cela retarde donc l’âge auquel la femme devient mère pour la première fois. Ne demandez donc pas à une femme qui a son premier enfant à 30 ans d’attendre 3-4 ans entre deux naissances si elle souhaite avoir plusieurs enfants.
Que pouvons-nous faire pour aider les mères allaitantes et leurs bébés ?
Beaucoup de choses peuvent être mises en place ! Il faut se dire que chaque personne dans notre société a un rôle à jouer auprès des parents. Il faut recréer une multitude de micro-tribus autour des familles.
- Des listes de babysitters qui débordent
- Des « meals trainings » (relais-repas) (des doodles pour déposer chacun à son tour un repas tout prêt dans une glacière mise devant la porte de la nouvelle maman sans la déranger)
- Co-voiturage pour l’école, les activités extrascolaires
- Laisser le bébé près de sa maman et prendre en charge le reste de la maison
- Des rendez-vous/jeux avec d’autres familles
- Des groupes de paroles
- Prendre en charge les enfants plus grands : 1h, 2h, un après-midi, une journée, un weekend…
Soyons inventifs !
Je n’oublierai jamais l’affiche que ma sage-femme a placardé sur ma porte d’entrée lorsque j’ai donné naissance à la maison de mon dernier enfant. Je vous la mets en photo… cela donne le ton sur les besoins d’une maman qui vient de donner naissance.
Bref, de l’aide, du soutien, de l’accompagnement, logistique et psychologique dont l’organisation se prépare dès la grossesse pour ne pas être pris au dépourvu quand une difficulté survient.
La survie d’une société empathique et l’allaitement nécessitent une vie tribale.
Sources
Yi, Dae Yong, and Su Yeong Kim. “Human breast milk composition and function in human health: From nutritional components to microbiome and microRNAs.” Nutrients 13.9 (2021): 3094.
Sarah Blaffer Hrdy, Comment nous sommes devenus humains : Les origines de l’empathie, Editions L’Instant Présent, Dec. 2016.
www.health-e-learning.com/courses/breasted/be01
Milovanovic, D. Est-il “naturel” d’avoir des enfants d’âges rapprochés ? Le Gai savoir, Dec 2018.
Ingrid Bayot, Le 4e trimestre de la grossesse, ERES, Mars 2018.
Laisser un commentaire